mardi 20 janvier 2015

Cours de droit du commerce électronique



Introduction 

La société humaine est entrée depuis près d’un quart de siècle ou plus, dans une ère de communication et de développement technologique sans précédent. En plus, des espaces juridiques classiques (terrestre, maritime et aérien), un nouvel espace est apparu, à savoir l’espace virtuel. Ainsi, de nouveaux médias ont commencé à envahir la société, dont l’Internet est de loin le média le plus influant dans la vie sociale des gens.

Au niveau des chiffres le commerce électronique constitue une activité qui ne cesse de croitre jour après jour. Dans une étude publiée en janvier 2011, le e-commerce devait croitre de 18,9% et atteindre un chiffre d’affaire de 680 milliards de dollars. Selon la même étude les revenus mondiaux du e-commerce devraient atteindre 963 milliards de dollars en 2013En 2012, le chiffre d’affaire du B to C a atteint la barre de 1000 milliards de dollars avec un nombre d’acheteur qui a aussi franchi le un milliards d’acheteurs. Une croissance galopante qui témoigne de l’importance du ce créneau dans le commerce mondial.

En Tunisie, le commerce électronique, n’est pas encore assez développé et le chiffre d’affaire montre que ce type de commerce n’a pas encore atteint ses objectifs. Selon une étude réalisée par le ministère du commerce, le chiffre d’affaire du commerce électronique est estimé en 2012 à 27 millions de dollars. Ce chiffre couvre seulement les opérations qui sont passé par le système de la Société Monétique de Tunisie.

Cette croissance de l'activité de commerce électronique a nécessité un accompagnement législatif, afin de garantir une sécurité juridique des transactions électroniques. d'où l'importance de savoir quel est le cadre juridique régissant le commerce électronique d'une manière générale et dans le droit tunisien en particulier 

C’est ainsi qu’on va d’abord définir la notion de commerce électronique(§1); Ensuite, fixer son champ d’application et ses caractéristiques (§2).

§1) La notion du commerce électronique

La définition de la notion de commerce électronique est d’une facilité trompeuse. Pour la définir, on va examiner les textes juridiques tunisiens et étrangers qui ont traité cette question. Il s’agit notamment de la loi tunisienne du 9-8-2000, relative aux échanges et au commerce électroniques, la loi type de la CNUDCI de 1996, la directive européenne sur le commerce électronique de 1998, ainsi que la loi française pour la confiance dans l’économie numérique de 2004.

D’une manière générale, on peut dégager deux types de définitions : une définition restrictive et une autre extensive.

        A-  La définition restrictive

La définition restrictive du commerce électronique est celle qui confine le commerce électronique dans les limites de la vente en ligne.Cette conception de la notion de « commerce électronique » le considère comme l’ensemble des transactions entre deux entités en vue de réaliser une opération de vente et d’achat. Ainsi, on peut considérer que l’on se trouve dans le cadre du commerce électronique dès lors qu’un des acteurs d’une transaction dématérialisée est un professionnel agissant à titre de professionnel. Cette définition exclue la logistique de transport et de traitement des informations, ainsi que tous les services gratuits de l’Internet.

Parmi les textes qui illustrent bien cette conception restrictive, on peut citer notamment, la loi tunisienne du 09 août 2000, relative aux échanges et au commerce électroniques illustre bien cette conception restrictive du commerce électronique.

Dans le cadre du premier chapitre de cette loi, relatif aux dispositions générales, le législateur a consacré l’article de cette loi, à la définition des notions clés qui seront utilisés dans les chapitres suivants.

Ainsi, selon l’article de cette loi, on entend par «commerce électronique » :« les opérations commerciales qui s’effectuent à travers les échanges électroniques ».

Ce même article définit « les échanges électroniques », comme étant ceux qui « s’effectuent en utilisant des documents électroniques ».

La loi établit donc, un lien entre la notion de « commerce électronique » et la notion « d’échanges électroniques ». Cela dit, en définissant le commerce électronique, le législateur a insisté sur deux critères :

1-    « L’opération commerciale » ;
2-    Effectuée par le biais d’un « document électronique ».

En conclusion on peut dire que le législateur tunisien définit le commerce électronique comme étant les opérations commerciales effectuées par le biais d’un document électronique.

B-  La définition extensive du commerce électronique

La définition extensive est celle qui inclue, en plus de la vente en ligne, les différents services rendus sur Internet, que ce soit à titre gratuit ou à titre onéreux. Cela dit, le commerce englobe selon cette définition toute activité économique se réalisant par le biais des réseaux de communication électronique.

Parmi les textes qui ont adopté cette approche, on cite à titre d’exemple la Directive européenne sur le commerce électronique, du 08 juin 2000, ainsi que la loi française pour la confiance dans l’économie numérique du 24 juin 2004. 

§2) Domaines et caractéristiques du commerce électronique

A- Domaines du commerce électronique

La loi n°2000-83 du 9-8-2000 relatives aux échanges et au commerce électroniques n’a pas déterminé le champ d’application du commerce électronique.

D’après la doctrine, il est d’usage de distinguer quatre principaux domaines du commerce électronique.

§  Business to Administration (B to A):

Il s’agit d’une opération électronique entre une entreprise et une administration. (Ex. la télé-déclaration fiscale).

§  Business to Business (B to B):

C’est le domaine par excellence du commerce électronique.Il consiste en une opération entre deux ou plusieurs professionnels du commerce.

§  Business to Consumer (B to C)

Il s’agit d’une opération électronique entre une entreprise et une personne privée (par ex : un consommateur). C’est de ce type de commerce qu’on parle le plus en pratique. La loi du 09 08 2000, s’applique justement 

Rq/ Il y a un quatrième domaine qui est apparu ces dernières années qui est le modèle Consumer to Consumer (C to C). Il s’agit d’une nouvelle forme de commerce électronique impliquant exclusivement des consommateurs entre eux-mêmes. Cette évolution s’est réalisée grâce à la nouvelle génération de l’Internet le Web 2.0.

B- Les caractéristiques du commerce électronique

Le commerce électronique est une activité exercée à distance (a). Cette caractéristique n’est pas exclusive au commerce électronique. Ce qui distingue ce type de commerce est surtout le fait qu’il soit exercé par voie électronique (b).

a. Le commerce électronique est une activité effectuée à distance

Le caractère est une activité qui s'effectue à distance à travers les moyens de communication électronique. Cette caractéristique n'est pas propre au commerce électronique, puisqu'on peut trouver d'autres formes de commerce qui s'effectuent à distance par d'autres moyens. Tel est le cas du commerce par les moyens de communication classiques. D'ailleurs, l’article 27 de la loi (n°98-40) du 02 juin 1998, relative aux techniques de vente et à la publicité commerciale, définit la vente à distance comme étant celle qui « consiste à utiliser un moyen de communication avec le consommateur permettant au commerçant l’écoulement d’un produit ou la réalisation d’un service hors des lieux habituels de vente.

Les moyens utilisés peuvent être notamment le téléphone, la vidéo transmission, la radio diffusion, la voie postale et les catalogues ou tout autre moyen ».

b.     Le commerce électronique est une activité effectuée par voie électronique

La voie électronique est une caractéristique principale du commerce électronique. On entend par la voie électronique, le recours à tout moyen, utilisant la technologie binaire, pour réaliser une opération de commerce électronique. Il existe beaucoup de moyens pour y arriver ; cela comprend entre autre le minitel, le téléphone portable, Internet…etc.

Ainsi, Internet n’est pas le seul moyen de commerce électronique, mais il possède actuellement le monopole de ce type d’activité. Cela revient à son accès facile, à son interactivité incomparable, ainsi que les possibilités techniques qu’il offre lors de la navigation dans les sites Web.

Etant une technique de vente à distance, les transactions électronique sont beaucoup de ressemblances avec certaines opérations commerciales, telles que la vente par correspondance, le téléachat et le démarchage à domicile à domicile. 

. Le caractère électronique de ce commerce est considéré comme une caractéristique spécifique qui le distingue des autres modes de vente semblables.

Toutefois, il ne faut pas perdre de vue qu’avec la convergence des technologies, le téléachat peut être aussi électronique, puisqu’il est désormais, possible d’accéder à la télévision sur Internet, par exemple.

Par ailleurs, il est nécessaire de distinguer entre deux types de vente en ligne : d’abord des ventes qui sont réalisées entièrement en ligne, ensuite des ventes réalisées partiellement en ligne.


               Chapitre I : Le cadre juridique du commerce électronique

    Le droit et le commerce électronique, ne font pas a priori  bon ménage. Plusieurs arguments prouvent cette incompatibilité :

D’abord, le droit est par essence conservateur, il s’agit d’une science de réaction par excellence. Au moment où le droit fixe sa perception de la réalité, cette dernière courre déjà laissant le droit en retard permanent. 

Ensuite, Internet est caractérisé par la multidisciplinarité, c’est un domaine tellement hybride, que le droit avec son ancien cloisonnement ne peut pas répondre d’une manière adéquate à cet éclatement de domaines.

Quoi qu’il en soit, les Etats ont, d’une manière générale, développé un droit spécifique, caractérisé par un aspect processuel, qui insiste sur le « comment », plutôt que sur le « quoi ». L’examen du cadre juridique régissant le commerce électronique permet de déterminer l’ensemble de règles juridiques applicables à cette activité ainsi que les difficultés qui s’y rattachent.

Malgré son évolution incessante, le commerce électronique n’a pas pu avoir un cadre juridique d’ensemble. En effet, il existe des normes juridiques disparates qui forment un cadre juridique hétérogène national et international, mais aussi transnational.

Le commerce électronique pose moins un problème d’absence d’un droit applicable, qu’un problème de multitude de droits qui ont vocation à s’appliquer. Etant une activité qui par définition transnationale, le commerce électronique met dans l’incertitude tous les acteurs qui y agissent. Cette difficulté peut être ressentie à travers le faible degré d’internationalisation du commerce électronique.  Ainsi, le Canada par exemple a vu ses ventes à l’étranger chuter, de 28% en 2002 à 18% seulement en 2005. Aussi aux Etats-Unis, selon une étude effectuée en 2002, auprès de 2139 entreprises, les ventes à l’étranger ne représentaient que 5% de leur revenu.

Si le commerce électronique international, ne s’est pas développé, c’est moins à cause des difficultés techniques qu’en raison des difficultés juridiques. Le problème donc est de savoir quel droit doit-on appliquer, de savoir manier et en même temps respecter plusieurs ordres juridiques pour une même activité.

Ainsi, on peut dire que le commerce électronique pose un vrai problème d’encadrement juridique. D’où, l’applicabilité pour cette activité de deux catégories de droit : Un droit formel insuffisant (Section I)et un droit informel naissant (Section II).

Section I : Le cadre juridique formel du commerce électronique

On entend par le cadre juridique formel du commerce électronique, l’ensemble de textes juridiques qui ont été élaborés et adoptés par des institutions étatiques et destinées à être appliqués que ce soit au niveau interne ou international. 

§1) Sur le plan interne 

Il existe dans le droit tunisien un ensemble de textes juridiques qui ont vocation pour être appliqués au commerce électronique, l’importance de ces textes n’est pas la même.  

Textes de première importance :

·        La loi N° 117 du 7 décembre 1992 relative à la protection du consommateur ;
·        La loi n°40 du 2 juin 1998 relative aux techniques de vente et à la publicité commerciale.
·        Le code des obligations et des contrats, y compris la loi N°57 du 13/6/2000 modifiant et complétant certains articles du Code des obligations et des contrats.
·        La loi N°83 du 9/8/2000 relative aux échanges et au commerce électroniques.
·        Loi n° 2005-51 du 27 juin 2005, relative au transfert électronique de fonds.
Textes de seconde importance :

·        Loi organique du 27 juillet 2004, relatives à la protection des données à caractère personnel.
·        Loi d’orientation N°2007-13 du 19 février 2007, relative à l’établissement de l’économie numérique.

§2) Sur le plan international

Sur le plan international de  nombreux  textes relatifs au commerce électronique  ont été adoptés, dont notamment:

A-  Textes universels

·        La loi type sur le commerce électronique : CNUDCI (21ème session 28 mai, 14 juin 1996), modifiée en 2001.

B-   Textes européens :

·    Directive européenne du 24 octobre 1995 sur la protection des données personnelles.
·    Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance.
·        Directive 1999/93/ce du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques, L13/12, JOCE, 19 janvier 2000.
·     Directive européenne du 8 juin 2000, « relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information et notamment du commerce électronique dans le marché intérieur » («directive sur le commerce électronique»).

Il est à noter qu’il est difficile de délimiter une liste exhaustive des textes internationaux relatifs au commerce électronique. En fait, les textes déjà existants, régissant le commerce international, s’appliquent indirectement au commerce électronique : Telle que la convention de vienne sur la vente de marchandise de 1980.

Section II : Cadre juridique informel du commerce électronique

La mondialisation produit un réaménagement des modes de création du droit, par l’intervention accrue d’entités non normatives. Ainsi, l’Etat qui détenait le monopole de la normalisation, s’est trouvé profondément concurrencé par des entités normatives non étatiques. Il s’agit d’une tendance vers une sorte de « contractualisation du droit », ou plutôt un « droit négocié ».

La faiblesse du droit étatique est due essentiellement à la rapidité du rythme d’évolution des technologies, souvent en décalage avec le rythme d’évolution du droit. Ensuite, les législations étatiques sont tellement fragmentée et disparates, qu’il est difficile de concevoir une législation harmonieuse qui puisse contenir tous les aspects du commerce électronique.

Cette transformation a fait sortir le droit de la logique de la réglementation verticale à la logique de la régulation horizontale. C’est ainsi qu’on a vu surgir de nouveaux acteurs de la régulation de l’Internet en général et du commerce électronique en particulier. L’autorégulation fait référence aux normes volontairement développées et acceptées par ceux qui les ont faites. Elle implique une coïncidence substantielle entre auteur et destinataire de la régulation. Ces normes ont pris plusieurs formes notamment :

-         Les usages du commerce électronique :

Les usages du commerce électronique : appelés aussi la lex electronica, cette forme normative est constituée de l’ensemble des règles juridiques informelles applicables dans le domaine du commerce électronique. 

Selon les articles 543 et 544 du COC l’usage ne peut constituer une preuve valable devant la justice qu’à la réunion de trois conditions : 
-         Prouver l’existence de l’usage : Etre général ou dominant
-         Ne pas contrarier une règle de d’ordre public ou les bonnes mœurs
-         Ne pas prévaloir contre la loi, lorsqu’elle est formelle.

Bien que le contenu de l’usage soit difficile à cerner, nul ne peut nier son existence réelle et son rôle dans la régulation des rapports économiques. Il se manifeste sous forme de principes communs ou de pratiques communes.

-         Les codes de conduite :

Les codes de conduite apparaissent dans le domaine des relations privées internationales,« comme des instruments incitatifs, expression de cette soft law,dont l’objet tend à la formation de comportements souhaitables ».

La première tentative de régulation du commerce électronique, date de 1987, lorsque la Chambre de Commerce International a élaboré son code de conduite UNCID (The Uniform Rules of Conduct for Interchange of Trade Data by Télétransmission) destiné à codifier les principes généraux en matière de télétransmission des données commerciales. 

Il est vrai que ces codes ne sont pas adoptés par un organisme Étatique pour avoir la valeur d'une règle étatique, mais sa valeur normative est incontestable dans le cadre du développement des usages commerciaux. Ces codes ont une influence sur le comportement des acteurs, à partir du moment qu'ils soient imposés par les acteurs les plus dominant dans un secteur déterminé. 
-          
La pratique contractuelle :

Dans un environnement où la pratique contractuelle est assez importante, le développement des guides et des contrats-types devient un élément important de la régulation. C’est à travers ces contrats-types que se concrétisent les tendances normatives provenant des lois, mais aussi des autres sources normatives.

Concrètement, c’est la faculté de consentement attribuée aux parties contractantes, qui donne une importance particulière sur le plan normatif à ces pratiques. Le rôle des pratiques contractuelles et les autres mécanismes d’autorégulation conséquentes, est extrêmement important, dans la mesure où ils contribuent à établir un certain équilibre spontané dans le marché, loin des attractions législatives nationales dispersées. Selon Pierre Trudel, « les pratiques contractuelles qui s’y développent constituent souvent la source principale des règles qui s’appliquent effectivement aux relations entre les protagonistes ».

Cela n'empêche que la pratique peut gîter des contrats, établissant des pratiques peu acceptables. Ainsi, certains profitent de l’absence de limites géographiques pour laisser dans le vague la question de la loi applicable.

Dans son jugement du 28 octobre 2008, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que dans les conditions générales de vente du site Amazon.com, il y a 18 clauses abusives y compris celle qui remet en cause la responsabilité de plein droit du vendeur  en ligne prévue par la loi française pour la confiance dans l’économie numérique. Ainsi, malgré leur importance, les pratiques contractuelles ne sont pas exonérées de critiques. 

-         Les labels 

La labellisation des sites web est un phénomène qui remonte aux milieux des années 90s aux Etats-Unis. Ceux-ci n’ont pas voulu réglementer ce domaine laissant ainsi aux pratiques le soin de mettre en place des règles spontanées. Aujourd’hui, les labels sont de plus en plus utilisés et dans de formes de plus en plus variés.

Il existe deux types de labellisation. D’abord, la labellisation interne. Elle est élaborée au sein même du site, lorsque ses responsables s’engagent à respecter un certain nombre de règles qu’ils ont élaboré eux-mêmes. Dans ce genre de labellisation, il n’y a pas un contrôle périodique par un organisme tiers indépendant, ni antérieur, ni postérieur. Cet engagement de la part des responsables des sites, peut être fait grâce à un code de conduite ou une charte de confiance.

Le deuxième type de labellisation est la labellisation externe. Dans ce type les engagements sont élaborés par des tiers, qui assureront le respect à travers un contrôle périodique. Pour bénéficier de la couverture du tiers de labellisation, le site doit d’abord respecter un certain nombre de conditions. Une fois respectées, le site labellisé, fera l’objet d’un contrôle périodique. Le résultat de ce contrôle se traduit par l’affichage d’un rapport effectué par le système de label. Si le rapport est positif, le site pourra bénéficier d’un sceau de certification émis par une entité de certification. Ces certificats varient selon les critères choisis. Ainsi, on peut trouver des sceaux de classification de contenu, des sceaux de classification sur le degré de sécurité, sceau sur le degré de satisfaction des clients…etc.

Chapitre II : Le contrat  de commerce électronique

Le contrat électronique est le support à travers lequel se font les opérations commerciales sur Internet. Aujourd’hui, tout le monde se fie à ce moyen de contracter. En revanche, l’aspect électronique et immatériel pose plusieurs interrogations sur la nature juridique de ces contrats, ainsi que sur le régime qui lui est applicable.

Pour mieux comprendre les différents aspects du contrat électronique, on va examiner en premier lieu la notion de contrat électronique (Section I) ; et en deuxième lieu, on examinera les conditions de l’offre et de l’acceptation à distance (Section II).

Section I : La notion de contrat électronique

Afin de saisir la notion de contrat électronique, il convient tout d’abord de définir et qualifier le contrat électronique (§1), et examiner ses conditions de validité (§2).
        
§1) Définition et qualification du contrat électronique

On définit le contrat d’une manière générale, comme étant la rencontre et l’accord de deux ou plusieurs volontés en vue de créer des effets de droit. Cette définition est applicable pour toutes les catégories classiques de contrats. L’apparition d’une nouvelle forme électronique de contrats, suscite quand même des interrogations sur sa définition.

Au niveau des textes, on ne trouve pas dans le droit tunisien, une définition du contrat électronique. La loi N° 83, relative aux échanges et au commerce électroniques, du 09 août 2000, qui constitue avec la loi du 13 juin 2000, le cadre spécial des contrats électroniques, n’a pas défini le contrat électronique.

En revanche, la loi du 09 août 2000 a précisé que les échanges et le commerce électroniques sont régis par la législation et la règlementation en vigueur sauf dérogations par cette loi.

Malgré l’absence d’une définition dans les textes juridiques, on peut dire d’une manière générale, que le contrat électronique est un contrat conclu à distance, à travers les technologies de l’information et de la communication.

Un contrat qui, malgré toutes ses spécificités, ne constitue pas une nouvelle catégorie de contrats. Même les contrats inédits qui sont apparus dans le monde tels que les contrats de création de sites web, les contrats de fourniture d’accès, les contrats d’hébergement de site Internet et les contrats de licence de logiciels, ne sortent pas des catégories classiques de contrats, tels que les contrats de vente, les contrats de location…etc.

·        Contrat consensuel ou contrat d’adhésion

Comme la plupart des contrats, le contrat électronique est essentiellement un contrat consensuel, basé sur la volonté des parties, caractérisé par la conclusion à distance, par la voie électronique. 

Toutefois, cet aspect consensuel n’est pas toujours vérifiable sur Internet, notamment pour les contrats de consommation où le consommateur n’a pas vraiment le choix. Il est vrai que le contrat ne peut être conclu qu’après son acceptation, mais cela n’empêche qu’il n’a pas réellement la possibilité de négocier les clauses du contrat. Cette caractéristique fait du contrat électronique un contrat d’adhésion. Pour autant, le principe du consensualisme de droit commun s’applique. L’envoi d’un message électronique peut constituer une offre si elle est ferme, précise et complète. Dans ce cas, l’acceptation du cocontractant pourrait former le contrat par un simple clic sur une icône prévue à cet effet.

L’apposition d’une signature électronique sur le document contractuel permettra d’identifier le cocontractant, et conférera au document électronique la force probante de droit commun.

·        Contrat interne ou contrat international

Parmi les difficultés qui accompagnent le contrat électronique, la question de son rattachement : s’agit-il d’un contrat interne ou d’un contrat international ?

La notion d’internationalité est intimement liée à la notion de territoire. Celui-ci est l’espace dans lequel l’Etat exerce un pouvoir d’exécution sur les biens et sur les personnes.

Pour définir le contrat international, il se réfère généralement à deux théories : la théorie juridique et la théorie économique ou fonctionnelle. Selon la théorie juridique, le contrat est international s’il a des liens de rattachement avec plusieurs ordres juridiques. Selon la deuxième théorie, le contrat est international, lorsqu’il met en jeu des intérêts économiques internationaux. Dans les deux cas de figure, la qualification du contrat est liée à un support de référence qui est le territoire.

L’absence d’une assise territoriale pose un vrai problème de qualification du contrat électronique. Avec cette difficulté, se posent les problèmes de rattachement territorial, de loi applicable, de juridiction compétente…etc. Toutefois, cette difficulté n’est heureusement que partielle, car elle ne concerne que les contrats conclus et exécutés en ligne. Les contrats conclus en ligne et exécutés hors ligne, ne posent pas réellement ce problème, puisque le lieu d’exécution du contrat (ex. lieu de livraison de la marchandise) permet facilement, de rattacher le contrat à un territoire quelconque. Là on peut appliquer les critères classiques d’internationalité.

Ainsi, les contrats électroniques totalement exécuté en ligne, semblent si diluer complètement dans l’espace virtuel et ne pas s’adapter avec les moules de l’internationalité.

Par ailleurs, certains considèrent que le « contrat électronique est par essence international …car la technologie qui rend sa formation possible est devenue mondiale ».

En suivant cette logique, les contrats électroniques, entièrement en ligne échappent aux moules classiques d’internationalisation, et ce voient soumises à des règles a-étatiques, à savoir les règles de l’usage commercial électronique ou la lex-electronica. Mais cette logique ne peut pas convaincre. Car, tout contrat électronique n’est pas toujours international. Il peut y avoir un contrat électronique entre deux personnes se trouvant dans un même pays, voire dans un même immeuble. Rien dans ce contrat n’est international. C’est un contrat interne, d’où l’application du critère économique ou fonctionnel de la définition du contrat international.

§2) Les conditions de validité des contrats électroniques

Pour qu’un contrat soit valable juridiquement, il est nécessaire de fournir un certain nombre de conditions. L’article 2 du Code des obligations et des contrats dispose que : « Les éléments nécessaires pour la validité des obligations qui dérivent d'une déclaration de volonté sont :
1) La capacité de s'obliger ;
2) Une déclaration valable de volonté portant sur les éléments essentiels de
l'obligation ;
3) Un objet certain pouvant former objet d'obligation ;
4) Une cause licite de s'obliger ».

a.     La capacité :

Selon l’article 3 du COC « Toute personne est capable d'obliger et de s'obliger si elle n'en est déclarée incapable par la loi ».

La loi distingue ainsi entre :
o   ceux qui ont la capacité et ;
o   ceux qui ont une capacité limitée et ;
o   ceux qui n’ont pas une capacité

b.    La déclaration valable de volonté : les vices de consentement sont :
o   La violence
o   L’erreur
o   Le dol
o   La lésion

c.      Un objet certain : les choses, les faits et les droits incorporels qui sont dans le commerce : tout ce que la loi ne défend pas.

d.    Une cause licite : tout contrat qui n’a pas de cause ou fondé sur une cause illicite est non avenu. Une cause est illicite quand elle est contraire aux bonnes mœurs, à l’ordre public ou à la loi.


   Section II : L’offre et l’acceptation dans le contrat de commerce électronique

Pour la conclusion du contrat, il faut la réunion de l’offre et de l’acceptation. Dans les contrats ordinaires, le contrat ne peut être conclu entre deux parties qu’après la manifestation d’une acceptation de la part de l’un des deux contractant appelée « acceptant » de l’offre formulée par l’autre partie appelée « sollicitant ». Les contrats de commerce électronique, portent une certaine spécificité qui fait que les règles générales de conclusion de contrat, ne soient pas applicables de la même manière dans les contrats électroniques.

Toutes ces questions sont prévues par la théorie générale des contrats. D’ailleurs, l’article 1er alinéa 2ndde la loi du 9 août 2000 prévoit expressément que : « le régime des contrats écrits s’applique aux contrats électroniques quant à l’expression de la volonté, à leur effet légal, à leur validité et à leur exécution dans la mesure où il n’y est pas dérogé par la présente loi».

Seulement, la théorie générale du contrat a été conçue pour des contrats fondés sur la présence et la connaissance physique des parties et de leur localisation. Ce qui n’est pas le cas du contrat de vente électronique qui se caractérise par l’éloignement des parties lors de sa formation, la difficulté d’identification du cocontractant et la dématérialisation du support.

Pour les ventes à distance, le législateur a adopté depuis 1998, la loi (n°98-40) du 02 juin 1998, relative aux techniques de vente et à la publicité commerciale. En raison de la particularité du commerce électronique, il était nécessaire d’adopter d’autres textes plus spécifiques, d’où l’adoption de la loi du 09 août 2000, relative aux échanges et au commerce électroniques, ainsi que la loi du 13 juin 2000, modifiant et complétant certains articles du COC.

Après l’adoption de la loi du 09 août 2000, ce domaine a été réglementé et le législateur a instauré un droit spécifique au commerce électronique, et prenant au maximum en compte les enjeux de la protection du consommateur, de la défense de la liberté de commerce sur Internet et plus généralement la liberté de communication.

Toute opération de vente comprend une offre et une acceptation. Dans le domaine du commerce électronique, ces deux procédés comprennent des particularités.

Définitions :

L’offre : est la manifestation de volonté expresse ou tacite, par laquelle une personne propose à une ou plusieurs autres (déterminées ou indéterminées)la conclusion d’un contrat à certaines conditions.

L’acceptation : C’est la manifestation de volonté expresse ou tacite, par laquelle une personne accepte et consolide une offre de contrat qui lui a été faite.

§1) L’offre électronique:

L’article 25 et suivant de la loi du 09 août 2000, a mis à la charge du vendeur une obligation d’information, concernant essentiellement la phase précontractuelle ainsi que les modalités d’exécution du contrat.

D’après l’article 25, l’offre électronique doit comprendre un certain nombre d’informations qu’on peut classer en quatre catégories :

·        Des informations relatives à l’identité du vendeur, tels que son identité, son adresse, son téléphone…etc.

·        Des informations relatives à l’objet de la transaction, tels que la nature, les caractéristiques et le prix du produit ou du service.

·        Des informations relatives aux conditions contractuelles de la transaction, telles que les modalités et le délai de livraison du produit, les conditions de confirmation de la commande, les frais, les coûts et les charges à supporter, les modalités et les procédures de paiement.

·        Des informations relatives à la résolution des litiges lors de la conclusion de la transaction.

En outre, et pour renforcer d’avantage cette obligation d’information, le législateur a exigé dans l’alinéa 2 de l’article 25 que ces informations soient fournies par voie électronique afin que le consommateur puisse les consulter durant toutes les stades de l’opération.

D’où, l’offre électronique répond à des exigences bien déterminées et doit être ferme, claire, précise et surtout non équivoque.

A-  L’offre publique et l’offre personnalisée :

·     L’offre peut être adressée soit au public (dans un site web), soit à certaines personnes déterminées (e-mail). Dans le premier cas, le commerçant ne choisit pas ses partenaires. Seulement il est possible d’insérer une clause dans l’offre précisant les conditions de l’offre (conditionner la conclusion du contrat à la vérification de solvabilité du client, réserver l’offre à une zone géographique…etc. De même, il peut conditionner l’offre aux limites du stock. Faute de quoi, il risque de ne pas pouvoir satisfaire les demandes, et subir des poursuites judiciaires pour publicité trompeuse) : Dans ce cas l’offre est valable selon la règle du premier arrivé, premier servi.

· Offre nominative : Lorsque l’offre est destinée à une personne déterminée, (par e-mail par exemple), l’offrant sera lié par son offre vis-à-vis du destinataire, lorsque le mail est nominatif. Par contre, si le mail n’est pas nominatif, l’offre sera considérée comme publique et l’offrant ne sera lié qu’à l’égard du premier acceptant.

B- Durée de l’offre : 

Etant donnée la spécificité de la vente effectuée sur réseau, et dans le but d’assurer la protection et l’information des consommateurs en ligne, l’article 25 de la loi n°2000-83 du 9 août 2000 prévoit expressément qu’ «avant la conclusion du contrat, le vendeur est tenu lors des transactions commerciales électroniques d’informer le consommateur… sur la durée de l’offre du produit aux prix fixés… ».

Selon l’article 49 de la même loi «Toute personne contrevenant aux dispositions des articles 25, 27, 29, du deuxième paragraphe de l'article 31 de l'article 34 et du premier paragraphe de l'article 35 de la présente loi est puni d'une amende de 500 à 5000 dinars».

Ainsi, toutes les fois où l’offre est assortie d’un délai pour son acceptation, l’offrant sera engagé envers l’autre partie jusqu’à l’expiration du délai. Il sera par contre dégagé, si aucune réponse ne lui parvient dans le délai fixé.


§2) L’acceptation électronique:

Le consommateur doit manifester sa volonté explicite de contracter, car à défaut de cette acceptation; le contrat n’est pas formé et n’entraîne aucun effet sur le plan juridique. Sauf dans certains cas (art. 34 COC).

L’expression de l’acceptation en ligne se fait généralement, par le cliquage sur le bouton d’acceptation figurant sur la page web. Mais, pour que l’acceptation soit valable, l’acheteur en ligne devra par la suite confirmer son acceptation. Une mauvaise manipulation de la souris ne doit pas engager l’internaute qui n’avait aucunement l’intention d’accepter l’offre.

Selon l’article 27 de la loi du 09 août 2000, « avant la conclusion du contrat, le vendeur doit permettre au consommateur de récapituler définitivement l’ensemble de ses choix, de confirmer la commande ou de la modifier selon sa volonté et de consulter le certificat électronique relatif à sa signature ».

Toutefois, une question se pose :La manifestation de la volonté de l’acceptant suffit-elle pour la formation définitive du contrat ?

Le moment et le lieu de l’acceptation ? Quand est ce que le contrat a été conclu et où ?

Le contrat est-il conclu à partir de la date et des lieux de l’acceptation du consommateur ou alors en fonction de la date et des lieux ou le vendeur ou le prestataire de services est informé de l’acceptation du consommateur ?

La réponse à cette question permet de fixer le droit applicable à l’opération dans le temps et dans l’espace.Faut-il préciser ici que la solution retenue par la loi du 09 août 2000 est différente de celle du Code des obligations et des contrats. Puisque ce dernier dispose dans son article 28 que « Le contrat par correspondance est parfait au moment et dans le lieu ou celui qui a reçu l'offre répond en l'acceptant ».

L’article 29 du même code ajoute que « Lorsqu'une réponse d'acceptation n'est pas exigée par le proposant ou par l'usage du commerce, le contrat est parfait dès que l'autre partie en a entrepris l'exécution ; l'absence de réponse vaut aussi consentement, lorsque la proposition se rapporte à des relations d'affaires déjà entamées entre les parties ».

Ainsi, d’après cet article la conclusion du contrat est faite au moment et au lieu de l’acceptation. Cette acceptation peut être soit expresse (article 28 du COC), soit tacite (article 29 du COC).

En revanche l’article 28 de la loi de 2000 dispose que « Sauf accord contraire entre les parties, le contrat est conclu à l'adresse du vendeur et à la date de l'acceptation de la commande par ce dernier par un document électronique signé et adressé au consommateur ».

Ainsi, selon la loi de 2000, l’acceptation du consommateur est insuffisante quant à la formation du contrat électronique.Celui-ci est conclu à l’adresse du vendeur et à la date même de la confirmation de la commande du consommateur par le vendeur.

§3) La faculté de rétractation et de restitution du consommateur

La nature immatérielle et insaisissable des transactions électroniques facilite l’erreur du consommateur que ce soit sur l’identité de la chose ou le service sur lequel la transaction a porté, sa nature, sa description qui a été déterminante dans le contrat ou en ce qui concerne la personne même du co-contractant ou sa qualité.

Etant la partie la plus faible dans le contrat électronique, le législateur a conféré au consommateur la possibilité de se rétracter, même après la rencontre de la volonté des parties et la conclusion du contrat.

Lorsqu’il y a rétraction, le contrat électronique est considéré comme n’ayant jamais eu lieu et les parties retrouvent leur situation initiale. La loi du 09 août 2000 prévoit deux cas de figue :

L’article 25 de la loi de 2000 a évoqué le droit de rétraction en indiquant que le vendeur doit préciser dans le contrat de vente si le consommateur peut bénéficier de ce droit, ainsi que son délai.

= il y a deux possibilités de rétraction : soit que le vendeur et le consommateur, se mettent d’accord sur l’application de ce principe dans leur contrat, en application de l’article 25. Soit que le contrat ne parle pas de ce droit, dans ce cas on applique, par défaut, l’article 30 qui précise, les conditions d’exercice du droit de rétraction.

-        Selon l’article 30 de la loi de 2000, en cas d’absence d’accord entre les parties, le consommateur peut toujours exercer son droit de rétraction et ce pendant 10 jours. Le calcul de ce délai diffère selon la nature de la transaction:

-         S’agissant des marchandises, à partir de la date de leur réception,
-         S’agissant des services, le délai court à partir de la date de la conclusion du contrat.

Les conséquences :

-         Devoir de notification (art.30§3) + remboursement + consommateur supporte les frais de transport
-         Comme dans le cas précédent, « le vendeur est tenu de rembourser le montant payé au consommateur dans les 10 jours ouvrables à compter de la date de retour des marchandises ou la renonciation au service. Le consommateur supporte les frais de retour des marchandises ». (Article 30§3).

En dehors de tout accord éventuel entre les parties, la loi réserve au consommateur des exceptions, lui permettant, soit de restituer le produit, soit de se rétracter et ce indépendamment de tout accord entre les parties. C'est-à-dire même s’il y a un accord qui interdit la restitution ou la rétraction.

·        La possibilité de restitution et de rétraction pour vice du produit

S’agissant du droit de restitution, l’article 31 de la loi de 2000 a prévu cette possibilité :

-         En cas de non-conformité du produit à la commande ou ;
-         En cas de non respect des délais de livraison.

Rq/ art. 31 ne concerne que les marchandises.

Les conséquences découlant de ces deux cas sont les suivants :

-         Le consommateur peut restituer le produit en l’état au vendeur.
-    Le vendeur est tenu, en contre partie, de rembourser la somme payée par le consommateur, en plus des dépenses y afférentes (dans 10 jours ouvrables, courant à partir de la date de livraison).
-     Le vendeur peut éventuellement être tenu de dédommager le consommateur pour les préjudices subis à cause de cette opération.

Par ailleurs, l’article 32 a énuméré les cas ou la rétractation est impossible :
-  Cas où le consommateur demande la livraison du produit avant la date de livraison ;
-   Cas de produit personnalisé ou produits qui ne peuvent être réexpédiés ou produit susceptibles d’être détérioré ou périmé ;
-         Lorsque le consommateur descelle les enregistrements ou les logiciels ;
-         Les achats de magazines ou journaux.

Ces exceptions ne sont pas applicables, dans les cas de vices apparents ou cachés dans les produits achetés. 

RQ/
Il est à noter que l’article 33 de la loi du 09 août 2000 a prévu que «Lorsque l'opération d'achat est entièrement ou partiellement couverte par un crédit accordé au consommateur par le vendeur ou par un tiers sur la base d'un contrat conclu entre le vendeur et le tiers, la rétractation du consommateur entraîne la résiliation, sans pénalité, du contrat de crédit ».

Dans cet article le législateur attache une conséquence particulière à la rétraction du consommateur suite à une opération d’achat par crédit. Dans cette situation la rétraction entraîne directement la résiliation (فسخ)du contrat, sans paiement de pénalité contre le consommateur.

Conclusion

La prolifération du commerce électronique a provoqué l’apparition de nouvelles transactions et surtout d’institutions juridiques particulières puisque le simple clic sur la souris ou l’appui sur la touche de validation du clavier de l’ordinateur, suffisent aujourd’hui pour traduire le consentement du contractant. C’est ainsi que la signature électronique a remplacé la signature manuscrite ce qui a entraîné un cortège de problématiques juridiques relatives à la preuve des les contrats de commerce électronique.



Chapitre III : La preuve électronique

La preuve d’une manière générale et en matière civile en particulier, se base sur l’écrit. Celui-ci est considéré comme preuve parfaite. La dématérialisation de l’écrit, a été à l’origine de plusieurs difficultés pratiques, relatives à la valeur juridique de la preuve électronique.

Afin de faire face à ces difficultés le législateur a pris des mesures d’adaptation du droit existant. Ces mesures concernent notamment la reconnaissance du document électronique et de la signature électronique.

§1) Les instruments de preuve

Le code des obligations et des contrats ne prévoit que deux types de moyens de preuve :

1-    Les procédés de preuves parfaites sont : l'écrit, l'aveu et le serment décisoire.

L'écrit peut être soit sous forme d’un acte authentique ou acte sous seing privé ou encore sous forme d’un commencement de preuve par écrit.

a.     L’acte authentique est l'acte dressé par un officier public (notaire, huissier-notaire…etc).L'acte authentique ne peut être combattu que par l'inscription de faux.

b.     L'acte sous seing privé est l'acte dressé par les parties elles-mêmes ou par un tiers autre qu'un officier public, tel que l'avocat par exemple. La signature au bas de l'acte est exigée. L'acte sous seing privé produit ses effets entre les parties dès lors que chaque partie reconnait sa signature. Il a alors le même effet qu'un acte authentique (art. 444 COC).


§2) Le document électronique

A-  Définition du document électronique

Le droit tunisien et le droit français, ont tous les deux reconnu le document électronique. Le droit tunisien parle du document électronique dans deux textes. La loi du 13 juin 2000, modifiant certains articles du COC, et la loi du 09 août 2000, relative aux échanges et au commerce électroniques.

S’agissant maintenant de la définition du document électronique. Bien que l’article 453 bis du C.O.C ne donne pas une définition générale de l’écrit, il définit le document électronique comme étant un écrit. Il dispose que :

« Le document électronique est l’écrit composé d’un ensemble de lettres et chiffres ou autres signes numériques y compris celui qui est échangé par les moyens de communication à condition qu’il soit d’un contenu intelligible, et archivé sur un support électronique qui garantit sa lecture et sa consultation en cas de besoin ».

Le texte français procède quant à lui à une définition générale de l’« écrit » dans l’article 1316 du code civil français, qui dispose que « la preuve littérale ou par écrit résulte d’une suite de lettres de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support et leur modalité de transmission ».

Bien que le texte français soit détaché du support papier, cela n’empêche de dire qu’aussi bien le législateur tunisien que celui de la France ont reconnu le document électronique, et ce en tant que suite de lettres, de chiffres, ou tous autres signes numériques.

B-   La valeur probatoire du document électronique

Il existe un accord entre le législateur tunisien et le législateur français sur la reconnaissance du document électronique. Mais, il y a une différence quant à la valeur juridique du document électronique.

Le législateur tunisien assimile, en terme probatoire, le document électronique à un acte sous seing privé :

Selon l’article 453 bis, alinéa 2 du COC, « le document électronique fait preuve comme acte sous seing privé s’il est conservé dans sa forme définitive par un procédé fiable et est renforcé par une signature électronique ».

Le législateur français était plus audacieux et en même temps plus ambigüe, puisqu’il a choisi d’assimiler le document électronique à la preuve littérale, ce qui englobe, à la fois, l’acte authentique et l’acte sous seing privé.

L’article 1316 (nouveau) du Code civil français (après la modification par la loi n°2000-230, du 13 mars 2000, art. 1er- III) définit, la preuve littérale  comme étant la « suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support et leur modalités de transmission ».

Ensuite, l’article 1316-1 dispose que « L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ».

La lecture des deux textes tunisiens et français nous amène à tirer les conclusions suivantes. D’abord, il nous semble que les deux législateurs ont abordé le thème du document électronique en termes de valeur probatoire tout en négligeant le côté de la validité de ces documents.

Ensuite, les deux législateurs sont d’accord sur une reconnaissance conditionnée du document électronique. En effet, l’article 453 bis du COC exige la conservation du document dans sa forme définitive par un procédé fiable et qu’il soit renforcé par une signature électronique.

On peut constater là aussi que même si le texte français est plus audacieux que le texte tunisien, il conditionne sa reconnaissance par la nécessité que la personne dont il émane, soit dûment identifiée, et que le document soit conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. Il s’agit donc, d’un conditionnement nécessaire, mais qui porte atteinte au principe de la neutralité technique et de l’égalité des supports.


 
§3) La signature électronique

A-  Définition de la signature électronique.

Bien qu’elle semble facile à définir la signature électronique n’est pas arrivée jusqu’aujourd’hui à une définition qui puisse faire l’unanimité.

a.      Définition technique

D’une manière générale, on peut définir la signature électronique comme étant un dispositif technique, dérivé du cryptage, qui permet d'authentifier les messages et d’en garantir l’intégrité.

En substance, la signature électronique est « un ensemble de chiffres qui résulte d’un calcul algorithmique déclenché ou initié par la frappe d’un code confidentiel ».

La signature électronique passe par une étape technique primordiale, à savoir le « hachage ». La fonction de hachage (parfois appelée fonction de condensation) est une fonction permettant d'obtenir un condensé (appelé aussi condensat ou haché ou en anglais message digest) d’un texte, c’est-à-dire une suite de caractères assez courte représentant le texte qu’il condense. La fonction de hachage doit être telle qu’elle associe un et un seul haché à un texte en clair.

Cela signifie que la moindre modification du document entraîne la modification de son haché. D’autre part, il doit s’agir d’une fonction à sens unique (one-way function), afin qu’il soit impossible de retrouver le message original à partir du condensé (mais seulement à partir de la clef de décryptage). Ainsi, le haché représente en quelque sorte l’empreinte digitale  du document.

a.     Définition juridique

Le droit tunisien a reconnu la signature électronique depuis la modification par la loi du 13 juin 2000, et ce en faisant la distinction entre la signature au sens général du terme et la signature électronique au sens précis.

Il est à noter qu’il existe dans le droit tunisien deux définitions de la signature électronique, la première et celle relative à la signature électronique, dite simple. Elle a été évoquée par l’article 453, alinéa 2 (nouveau) du COC, tel que modifié par la loi du 13 juin 2000, modifiant et complétant certains articles du Code des obligations et des contrats.  Quant à la deuxième, elle concerne la signature électronique dite avancée. Elle a été évoquée par les articles 5, 6 et 7 de la loi du 09 août 2000, relative aux échanges et au commerce électroniques. 

Selon l’article 453, alinéa 2 (nouveau) du COC, « La signature consiste à apposer de la propre main du contractant un nom ou un signe spécial intégré à l’écrit auquel il se rapporte ».

Parlant de la signature électronique, dite simple, l’article ajoute que « Lorsque la signature est électronique, elle consiste en l’utilisation d’un procédé d’identification fiable garantissant le lien entre ladite signature et le document électronique auquel elle se rattache ».

         De même, la loi du 09 août 2000 (articles 5, 6 et 7) a reconnu la signature électronique sans la définir. Toutefois, deux grandes différences distinguent cette loi de celle du 13 juin 2000 :

- D’abord, la loi du 09 août 2000, parle de la signature électronique dite avancée, c’est-à-dire la signature sûre et certifiée ; alors que la loi du 13 juin parle de la signature dite simple.

-   Ensuite, la loi du 09 août 2000 parle de la signature électronique dans un sens facultatif, alors que la loi du 13 juin parle de la signature électronique à titre obligatoire.

         Selon l’article 5 de la loi du 09 août 2000 « Chaque personne désirant apposer sa signature électronique sur un document peut créer cette signature par un dispositif fiable dont les caractéristiques techniques seront fixées par arrêté du ministre chargé des télécommunications ».

L’arrêté du ministre des technologies de la communication du 19 juillet 2001, fixant les caractéristiques techniques du dispositif de création de la signature électronique n’a pas défini la signature électronique, mais il a présenté, en revanche, les conditions de validité de la signature.

Selon l’article 2 de l’arrêt, « Toute personne désirant créer une signature électronique doit utiliser un dispositif comprenant :

Une paire de clés propre à lui, composée d’une clé privée utilisée pour la création de la signature et d’une clé publique utilisée pour la vérification de la signature,un mot de passe ». 

L’article 4 de ce même texte ajoute que « Le dispositif de création des paires de clés doit garantir notamment :
La création des paires de clés sous une forme conforme aux normes internationales en vigueur,
La conformité des paires de clés aux conditions des algorithmes de création et de vérification de la signature,
L'unicité des paires de clés ».

Toutefois, on ne peut pas parler de la définition de la signature électronique sans souligner l’ambigüité du texte tunisien. En effet, l’article 453 2èmealinéa (nouveau) ne donne pas une définition générale de la signature indépendante de son support. Il donne plutôt deux définitions : une définition générale plutôt proche à la définition classique et une autre définition spéciale relative à la signature électronique.

Quoi qu’il en soit, l’essentiel est que la signature électronique est actuellement reconnue, sauf que cette reconnaissance est conditionnée. Des conditions qui nous amènent à faire des interrogations sur l’existence ou non d’une équivalence entre la signature manuscrite et la signature électronique. Autrement dit, qu’elle est la valeur juridique de la signature électronique et y a-t-il une différence entre la signature électronique et la signature manuscrite ? Peut-on dire que la signature manuscrite est aussi fiable que la signature électronique ?

B-   La fiabilité de la signature électronique

Si la fiabilité de la signature manuscrite est présumée, étant donné que l’écrit papier qui la reçoit, est lui-même présumé fiable ; la fiabilité de la signature électronique est en revanche objet de débat.
 
    Le problème fonctionnel de la signature électronique

Le rôle de la signature d’une manière générale et la signature électronique d’une manière particulière est d’assurer trois fonctions essentielles. L’identification de l’auteur, l’attestation de son approbation ou la validation de l’acte et le lien entre la signature et le document signé. Ainsi, en dehors du lien qui est un élément évident, la signature doit réaliser les deux autres fonctions à savoir l’identification et l’approbation. L’identification sert à imputer le message à une personne X, et l’approbation sert à assurer la non-répudiation.

Vu la spécificité de la signature électronique, il ne semble pas évident de parler d’une équivalence fonctionnelle entre la signature électronique et la signature manuscrite. Les raisons sont multiples : l’argument principal de tous ceux qui se positionnent contre cette assimilation, est qu’on ne devrait pas assimiler le code électronique à la signature manuscrite, puisque son usage n’implique pas forcément, la présence physique de la personne signataire. Ainsi, il devient difficile voire même impossible de vérifier la présence de la volonté de s’engager. C’est la dépersonnalisation de la signature électronique qui a fait régner des doutes sur sa fiabilité.

Si la signature manuscrite assure sans difficulté les deux fonctions d’identification et de l’attestation de l’approbation, il n’en est pas ainsi pour  la signature électronique. Celle-ci assure la première fonction d’identification, mais ne garantit pas la deuxième fonction (l’approbation). Du moins, on n’est pas sûr que la signature a été, bel et bien, utilisée par le propriétaire de la signature. On ne peut que le présumer.

Cela dit, la signature manuscrite tire sa suprématie de ce qu’elle est le produit de la volonté du signataire. A ce niveau on a du mal à vérifier cet élément dans la signature électronique. Car, contrairement à la signature manuscrite, un code numérique n’est pas lié à la personne signataire, en plus il ne la caractérise pas. Une autre personne peut, éventuellement, profiter de l’imprudence du titulaire du code secret pour signer à sa place. Ceci est d’autant plus vrai que dans certaines opérations, telles que les factures électroniques, la signature électronique est produite automatiquement, sans la nécessité de la présence humaine et sans son intervention directe.



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